Colloque N°4 – 14 avril 2005 – Agen
Interventions de la journée :
- « Médiatisation de l’expertise et paroles de l’enfant », par Jean-Claude Chanseau
- « Dévoilement et secret de l’instruction », par Serge Portelli
- « Traitement de l’information relative aux affaires d’infractions sexuelles », par Élisabeth Fleury
- « Éthique et déontologie dans la diffusion des images », par Sylvie Genevoix
- « Impact sur la victime de son image médiatisée », par Patrick Ayoun
- « Impact sur les professionnels de la médiatisation de leur pratique », par Marceline Gabel
Argumentaire :
Pourquoi un nouveau colloque sur ce thème ? Pourquoi demander à des experts psychiatres et psychologues, à des professionnels de l’information, à des magistrats leur point de vue ?
Parce qu’après la « loi du silence » et la relégation à la rubrique des faits divers, est venu le temps de la « loi du tapage public » même lorsque cela concerne des enfants.
Ce fut (c’est encore) une déferlante : pensons aux affaires DUTROUX et d’OUTREAU… Déferlante de dénonciations multiples confinant parfois à l’appel au lynchage en activant l’imaginaire violent : après les enfants menteurs, vinrent les parents bourreaux, les pères pervers, les mères complices, puis furent désignés les éducateurs, les instituteurs, les prêtres, les médecins, tous les notables pédophiles, et enfin les Autorités sociales, judiciaires et politiques, négligentes ou complices…
Or, la réalité des abus sexuels et de leur traitement, est plus complexe que ce défilé d’images simplifiées et manichéennes offert par des médias souvent mal informés ou relayant sans critique les propos de militants peu nuancés. Il est maintenant avéré que, sous couvert d’information du public et de soutien aux victimes, un certain usage des médias peut se révéler mystificateur pour le premier et nocif pour les derniers. En fait, nous avons fait l’expérience que toutes les modalités d’aide aux enfants agressés, même les plus documentées, peuvent se révéler chez certains, cause d’une « victimisation secondaire ».
Ainsi « briser la loi du silence » par la voie médiatique a pu permettre de secourir certaines victimes prises au piège d’un système familial oppresseur. Mais, dommage collatéral imprévu, elle a pu également en transformer d’autres en cible médiatiquement visible pour des attaques judiciaires, post-émission TV par exemple. D’autres encore sont devenues des sortes de vedettes de la souffrance, montrant les stigmates de leur blessure intime, rendant manifeste leur douleur secrète selon le code télévisuel contemporain, prises par le souci de ne pas rater leur « devoir de prestation ». Faut-il ici insister en dénonçant le piège relationnel et narcissique : stigmatisation contre compassion… Quel dispositif pourrait éviter ou tempérer les effets mortifères de ces passages par l’image déformante-destructrice de ce type de médias ?
D’autre part, en Démocratie, nous avons eu et nous aurons besoin des médias en tant qu’un des moyens indispensable de notre liberté d’expression et d’information. Autrement dit, au-delà des critiques nécessaires, il existe un bon usage de ces mêmes médias.
- A quelles conditions, nos demandes restent-elles valables pour les campagnes de prévention ?
- Quel message souhaitons-nous transmettre pour le soin, l’accompagnement social, l’exercice de la justice ?
- Faut-il rendre public nos débats contradictoires au risque de brouiller ce même message ?
La même difficulté est à l’œuvre pour les expertises judiciaires, comme pour l’information parlée, écrite ou audiovisuelle :
- Comment retenir l’attention du public sans diaboliser ?
- Comment dire ou montrer la violence sans immédiatement suggérer l’appel vengeur à une autre violence ?
- Le rappel des Chartes ou des Codes de déontologie a-t-il encore une efficacité si on néglige le fait que l’exercice d’une éthique consiste d’abord en une opposition à soi-même (sa propre fascination, sa propre violence) ?
Il ne s’agit pas ici de parier sur la Raison contre l’Émotion, mais de rétablir un espace pour penser la pluralité des émotions et des raisons qui s’affrontent en nous et nous mettent hors de nous.
Telles sont les questions que nous espérons débattre lors de ce Colloque.
Patrick AYOUN
Le 31 Décembre 2004.